The Tyrrell Shed
De la grange aux podiums du monde entier
Au cœur des années glorieuses de la Formule 1, un humble cabanon en bois abritait les rêves les plus fous de Ken Tyrrell. Dans cette cathédrale de planches, entre établis de fortune et plans griffonnés à la lueur des lampes de bureau, sont nés quelques-uns des plus audacieux bolides du sport automobile. Désormais sauvé de la destruction, ce sanctuaire de la course retrouve une seconde vie au Circuit de Goodwood, perpétuant l'esprit d'une époque où l’audace et l'ingéniosité triomphaient des millions.
Aujourd’hui, construire sa propre formule 1 dans un cabanon au fond de son jardin relèverait assurément de la folie ou, pour les plus ouverts d’esprit, d’une idée romantique sinon romanesque. Pour Ken Tyrrell, au début des années 60, cette approche était tout sauf fantaisiste.
C’était l’âge d’or des « garagistes » en Formule 1, ces visionnaires passionnés qui concédaient à tous les sacrifices, pour qui le moindre « penny » devait être consacré à gagner en performance le dimanche après-midi. Voilà ce qui faisait la magie de la F1 à cette époque.
Ken Tyrrell devant sa grande à goodwood.
... les murs ont vibré au rythme des conversations passionnées entre le patron et le jeune Jackie Stewart ...
C’est donc dans ce hangar, installé à l’origine sur le terrain de la scierie familiale à Ockham (Surrey), que Ken Tyrrell présida aux destinées de son écurie. Dans ce qui deviendra un sanctuaire de la course automobile, chaque planche, chaque clou raconte une histoire. Les murs ont vibré au rythme des conversations passionnées entre le patron et le jeune Jackie Stewart, ont veillé sur les nuits blanches de Derek Gardner, génial ingénieur, pendant qu'il dessinait en secret la première Tyrrell 001. Et que dire de ce moment fou où est née la légendaire P34 à six roues, une création qui défiait toutes les conventions !
Le contraste est saisissant lorsqu’on pense aux ateliers des constructeurs de F1 d’aujourd’hui, d’une propreté clinique, pour certains exempts de poussières, qui confinent au bloc opératoire d’un hôpital. La grange de Tyrrell représente l'essence même de l'esprit britannique dans le sport automobile d’alors : de l'ingéniosité, de l'audace et cette capacité à faire des miracles avec trois fois rien.
Le sauvetage récent de ce morceau unique de l’histoire du sport automobile est comme un conte de fées moderne. Menacé de destruction, il a trouvé refuge dans l’enceinte du Circuit de Goodwood après 3 ans d’efforts et de démarches, là même où tout avait commencé pour l'écurie Tyrrell. Car c’est sur le Circuit de Goodwood que Jackie Stewart a testé pour la première fois une Cooper Formula Junior engagée par Tyrrell.
Les prémices d’un partenariat qui débouchera sur l’une des plus belles épopées du sport automobile, ponctuée de trois titres mondiaux de F1 en cinq ans seulement, le tout orchestré depuis cette grange de 6 mètres sur 21. Les équipes de restauration et de reconstruction ont travaillé avec un respect presque religieux, préservant chaque éraflure, chaque marque du temps. Lors du démontage méthodique sous leurs mains expertes, ils ont découvert des trésors oubliés : des pièces d'ailerons, de vieilles affiches et des autocollants, comme autant de messages envoyés par le passé.
Tout a été remonté tel quel à Goodwood, à l’exception de nouveaux cadres de fenêtres et un toit exempt d’amiante.
Lors de l’inauguration officielle durant le Revival Festival de Goodwood en septembre dernier, il était étonnant et émouvant de constater l’engouement autour de ce hangar mythique : les moins jeunes, nostalgiques, se remémoraient les bagarres homériques des pilotes de cet âge d’or alors que les plus jeunes, surpris, n’en croyaient pas leurs oreilles lorsqu’ils entendirent que sans cette grange, peut-être que Lewis Hamilton n’aurait pas eu la même carrière.
Car n’oublions pas que l’écurie Tyrrell Racing Organisation fut vendue à British American Tobacco en 1998 pour devenir l’écurie British American Racing (BAR), à qui succéda Honda Racing F1 Team en 2005, puis Brawn GP F1 en 2009 et enfin Mercedes-AMG Petronas F1 Team en 2010.
Alors que sa grange entame sa nouvelle vie à Goodwood, Ken Tyrrell, qui aurait célébré ses 100 ans en 2024, doit regarder tout cela de là-haut avec son sourire carnassier si caractéristique. Témoin d’un glorieux passé, cette humble structure qui a défié les géants continue d'inspirer et de rappeler que les plus grandes réussites naissent souvent des rêves les plus audacieux.
Les équipes de Goodwood autour du Duc de Richmond réfléchissent maintenant à l'avenir de ce lieu mythique. Pas un simple musée, non, mais peut-être un espace vivant où pourrait se perpétuer l'esprit d'innovation et de passion qui a fait la grandeur de Tyrrell.
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